mardi 5 octobre 2010

Du Cartésianisme et du Probabilisme… et lycée de Versailles…


« En France on a pas de pétrole, mais on a des idées ! »


Quelques décennies plus tard, et après que Total soit devenu le 7ème groupe pétrolier du monde, et GDF Suez le 2ème en matière d’énergie, on pourrait raisonnablement penser que nous avons un certain sens de la formule, voire du contrepied.


C’est déjà ça, et ça permet au moins de faire prendre des vessies pour des lanternes, donc de permettre à EDF d’avoir elle aussi un slogan en cas coup dur.


Mais revenons à nos moutons. Nous (les Français) sommes fascinés par le libéralisme anglo-saxon et par ses réussites tant économiques qu’organisationnelles. Nous souffrons d’ailleurs sur ce point d’une forme de naïveté béate qui nous amène à truffer nos discours d’anglicismes divers et « avariés » afin de ne pas passer pour des abrutis finis lors des réunions hebdomadaires que nous avons elles aussi empruntés aux mêmes fournisseurs.


En théorie, nous sommes au point, nous maitrisons le « wording », nous maitrisons les « concepts », les « trames » organisationnelles, nous maitrisons le « cadre ». Les sociétés de consulting, le management des entreprises, tous les paramètres sont au vert. La situation est « nominale ».


Nominale certes, mais pour le management et seulement pour celui-ci. C’est la que la petite histoire rejoint la grande histoire et que l’individu télescope l’entreprise. Nous avons modélisé l’organisation parfaite, avec une fluidité des projets et des idées convenable, des procédures testées et validées, bref les conditions de la mise en production à l’échelle 1.


En théorie, mais en théorie seulement, car notre société est structurellement différente de la société anglo-saxonne, et nous avons beau nous rêver businessman, nous n’y arrivons pas vraiment, nous avons un frein, une différence, pire encore, quand on plonge un Français dans le bain anglo-saxon dans l’immense majorité des cas il se transforme en « empaffé » de première. C’est fâcheux…


Non pas qu’il n’appréhende pas l’intérêt du système, non, il se l’approprie, il le modifie à son avantage et détourne de son but ultime qu'est le collectif afin de le transformer en outil de pouvoir personnel. Alors que le système anglo-saxon est ouvert, le notre est fermé, concentré et égocentrique.


J’ai eu l'occasion de travailler sur des projets de réseaux collaboratifs pour le compte des plus grandes écoles Françaises, de Polytechnique à Sciences Po en passant par HEC. Là où les anglo-saxons sont ouverts et ont appréhendé la notion de réseau éclaté, leurs équivalents Français fonctionnent en silo et en réseaux d’anciens. Ce constat est simplement affligeant.


Dire que les anglo-saxons ont compris avant nous est un euphémisme, ce sont les étudiants de ces mêmes écoles qui dès leurs premières années d’études ont eux mêmes pensés, créés, et mis en œuvre ces réseaux globaux de communication interactifs et collaboratifs, et cela dans l'immense majorité des cas en avance de phase vis à vis des attentes concrètes du marché. L'explication est simple, puisque ces systèmes sont probabilistes, ils sont donc en amont même de la prise de conscience de l'individu. Et donc du décideur et du pouvoir.


Pendant ce temps, nous, les Français, attendons que l'étudiant ait obtenu son diplôme d'ingénieur, ait effectué 2 ans de stage en entreprise, 5 ans de fonction "junior", 5 de fonction "senior", avant même d'envisager qu'il puisse émettre autre chose qu'une opinion monosyllabique (euh, ah, oh...).


Sur quoi repose cette évidence, et pourquoi cette alchimie n’est elle en partie possible que dans le cloaque des laboratoires des universités Américaines ?


En quoi leur « code » par défaut est différent du notre, en quoi l’envie et le dépassement du cadre est-il préconditionné dans leur mode de pensée, et est-ce une fatalité que nous ne puissions adhérer aux mêmes concepts et à la même forme d’intelligence neuronale et égalitaire, et qu'au mieux nous ne puissions que nous placer dans leur traine ?


Que nous réserve le dessous des cartes, chacun d’entre nous mesure, constate et bien souvent regrette un tel écart de perception et de culture du partage et de la collaboration. Évidemment il ne s’agit pas de généraliser le problème en sectorisant d’un coté les bons et les mauvais élèves.


Qu'est ce que qui préside à ce qu'une étincelle devienne une grande idée à l'échelle mondiale, qu'est ce qui transcende les cultures, les langues, les barrières identitaires et religieuses, quelle est l'alchimie du succès, ses différents composants, comment se construit celui-ci, se doit il d'être projeté comme un tout ou bien construit comme un assemblage protéiforme ?


Bien souvent, d’infimes différences de perception dans l'énoncé de la problématique de départ aboutissent à de gigantesques écarts dans les réalisations finales...


Sur les différents projets menés auprès des grandes écoles Françaises, l'adhésion des équipes IT était évidente. Le blocage venait de la sphère supérieure, de l'élite, de ceux qui avaient mis des dizaines d'années à maîtriser un savoir et dont la seule et unique obsession était d'en tirer avantage. Alors que la culture anglo-saxonne applique le concept de la sphère nourricière ouverte et accessible à tous, mais aussi que la contribution du plus grand nombre servira le groupe, la notre applique celle du sérail et de l'introduction, celle des "élus". Élus qui eux même exerceront un stricte contrôle du dogme et qui appliqueront à leur tour les mêmes concepts de cooptations.


En France, la question n'est pas de savoir si une idée est bonne, mais de savoir qui l'a eu, et si il est légitime que cet individu l'ait eu.


En France nous n'avons encore rien compris à Internet.

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